Des chercheurs ont identifié deux protéines impliquées dans l’invasion des glioblastomes, tumeurs qui touchent certaines cellules du cerveau. Agir sur leur action représente donc une piste de lutte contre ce cancer.
Les tumeurs cérébrales figurent parmi les cancers les complexes à traiter. Les cellules gliales, des cellules qui viennent en support de l’activité des neurones dans le cerveau, peuvent notamment donner naissance à une forme particulièrement agressive de cancer, le glioblastome. Il s’agit d’un cancer dont les cellules sont capables de se disséminer dans le tissu cérébral. Cela rend difficile l’élaboration d’une stratégie thérapeutique efficace, tout en provoquant symptômes neurologiques puis la mort des patients. Dans une étude récente publiée dans Nature Communications, une équipe de l’Institut Pasteur a identifié deux protéines jouant un rôle essentiel dans la migration des cellules du glioblastome.
Les chercheurs se sont d’abord intéressés à une protéine nommée PTEN, jusque-là connue pour être un « suppresseur de tumeur », c’est-à-dire dont l’activité normale participe à limiter l’apparition ou la survie de cellules cancéreuses. Elle est notamment impliquée dans le contrôle de la prolifération cellulaire et dans les mécanismes de l’apoptose, le suicide cellulaire. Dans de nombreuses tumeurs, le gène associé à PTEN se retrouve muté, et la protéine sans activité. En particulier, PTEN est altérée dans 70% des glioblastomes. « Ce que l’on savait, c’est que les cellules tumorales n’expriment pas PTEN, et que restaurer l’expression de PTEN bloque la migration de ces cellules. Mais on ne savait pas si l’absence de PTEN était une cause suffisante pour que les cellules migrent » explique Sandrine Etienne-Manneville, responsable de l’unité Polarité cellulaire, migration et cancer.
Une seconde protéine fait le lien entre PTEN et la migration
Pour le déterminer, les chercheurs ont placé des cellules gliales in vitro dans une situation qui reproduit une réaction inflammatoire du cerveau, par exemple en cas de lésion. Dans ces conditions, les cellules ont tendance à migrer afin de faire face à l’inflammation. Ils ont ainsi observé que les cellules dépourvues de la protéine PTEN migraient plus rapidement, et donc que son absence suffisait à impacter la migration. Mais les chercheurs ont ensuite identifié un lien entre PTEN et une autre protéine, dite AMPK, un important régulateur du métabolisme de la cellule, qui joue notamment un rôle dans sa croissance. « La connexion entre ces protéines était encore inconnue. Nous l’avons découverte, un peu par hasard, en cherchant les possibles cibles de PTEN. Nous avons démontré que la suppression de PTEN provoque une hyperactivation d’AMPK, détaille Sandrine Eteinne-Manneville, et que si l’on bloque l’activité d’AMPK, on bloque la migration. »
Dans des glioblastomes qui n’expriment pas la protéine PTEN, inhiber l’activité d’AMPK, grâce à des inhibiteurs pharmacologiques, permet de freiner l’invasion des cellules tumorales. Cette découverte ouvre donc des pistes pour le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques. Cette voie pourrait permettre de traiter le cancer primaire le plus fréquent et le plus agressif du système nerveux central, résistant à tous les traitements et qui cause la mort de près de 225 000 patients dans le monde chaque année.
Cette étude entre dans le cadre de l’initiative Cancer du plan stratégique 2019-2023 de l’Institut Pasteur.
Source :
PTEN inhibits AMPK to control collective migration, Nature Communications, 11 août 2022
Florent Peglion1,7, Lavinia Capuana1,2,7, Isabelle Perfettini1, Laurent Boucontet3, Ben Braithwaite1, Emma Colucci-Guyon3, Emie Quissac4, Karin Forsberg-Nilsson5, Flora Llense1, Sandrine Etienne-Manneville1
1 – Cell Polarity, Migration and Cancer Unit, Institut Pasteur, CNRS UMR3691, Université Paris Cité, Équipe Labellisée Ligue Contre le Cancer, F-75015 Paris, France
2 – Collège doctoral, Sorbonne Université, F-75005 Paris, France
3 – Macrophages and Development of Immunity Unit, Institut Pasteur, CNRS UMR3738, Paris, France
4 – Inserm U1127, CNRS UMR7225, Sorbonne Universités, UPMC University Paris 04 UMR S1127, Institut du Cerveau, ICM, Paris, France
5 – Department of Immunology, Genetics and Pathology and Science for Life Laboratory, Uppsala University, Uppsala, Sweden